Il ne faut pas être sorcier pour affirmer qu'en RD Congo la période allant du 1er janvier 2015 au 20 décembre 2016 sera une période de tous les enjeux et de tous les dangers. Pourquoi ?
Enjeux d’abord.
Élections de la base au sommet
Dès 2015, des élections doivent avoir lieu à tous les niveaux, de la base au sommet. Moyens financiers réunis à temps ou pas, la CENI de Malu Malu se retrouvera dans l’obligation d’organiser ces élections. Et par la pression intérieure, et par la pression extérieure.
Un sénat et des gouverneurs périmés, plus d’un quart de siècle sans bourgmestres issus des urnes
Des gouverneurs de provinces sans légitimité.
L’on n’y prête guère attention, c’est depuis 2012 que les assemblées provinciales et leurs membres, les gouverneurs de province, ainsi que le sénat ont perdu toute légitimité. Leurs mandats de cinq ans ayant déjà expiré.
Les dernières élections locales datent de la fin des années 80. Depuis lors qui dirigent les communes ? Des individus nommés !
C’est donc un véritable clan d’imposteurs qui ne sont là que pour leurs poches, tout heureux que le peuple ne les chasse pas encore.
Et d’une façon formelle, leurs décisions sont-elles sensées engager les Congolais dont ils n’ont plus le mandat ? Non.
Impossible décollage social
Il est claironné que le cadre macroéconomique de la RD Congo est bon, que le pays a une croissance positive. La réalité sociale est aux antipodes : le taux de chômage avoisine les 90%, la misère est noire : carence alimentaire, pas d’accès à l’énergie électrique ni à l’eau courante, pas de soins de santé digne de ce nom… La liste est longue.
Pourrissement du climat politique
Depuis le hold-up électoral de novembre 2011, le sommet de l’état est caractérisé par l’illégitimité.
Même avec les chiffres de la CENI renforcés par le bourrage des urnes, plus de 50% des Congolais n’avait pas voté pour monsieur « Joseph Kabila» ! Ajouter à cela l’impopularité résultant d’une façon tout à fait normale de l’usure du pouvoir et des contreperformances dans la gestion de la république, au jour d’aujourd’hui, si l’actuel locataire du palais de la nation réunissait 10% d’intentions favorables, ce serait une prouesse.
1997-2015 : l’âge majeur des enfants de la « libération ».
Qui seront électeurs en 2015 et 2016 ?
Les jeunes, qui constituent l’essentiel de l’électorat.
Ceux qui auront dix-huit ans en 2015, sont nés… En 1997, l’année de la « libération » !
Ceux qui auront trente ans, avait douze ans en 1997, ils entraient à l’école secondaire. Pour ceux qui y entraient, comment ont-ils étudié ? Ceux parmi eux qui auront eu la chance d’arriver en sixième secondaire et d’obtenir le diplôme d’état, quel est leur niveau ? Et enfin pour les rares qui auront été jusqu’à l’université, quel débouché l’état leur aura donné comme emploi ?
La tranche d’âge qui a entre 18 et 30 ans, une génération de l’Internet et des réseaux sociaux, qu’a-t-elle comme aspiration, dire « Kabila Oyé » ou accéder aux bienfaits de la technologie actuelle, en mangeant trois fois par jour ?
Dangers
En face de ces électeurs, en ce début du mois de décembre 2014, le clan Kabila vient de mettre en selle ses « généraux » pour la période pré-électorale qui commence : une équipe gouvernementale dont un bon nombre mangeait dans la main de Mobutu, et l’autre partie constituée d’individus sans foi ni loi.
Effet Burkina-Faso
Les USA, le sommet de la francophonie l’ont répété aux tenants du pouvoir :
« Respectez les échéances, respectez les textes, allez solliciter le pouvoir auprès du peuple». Et le peuple congolais en ce moment, ce sont ces laisser-pour comptes. Ceux-ci, seront-ils tentés par le phénomène Burkina-Faso ? Oui. Ils n’ont rien à perdre, ils ont l’âge du risque et de l’aventure.
Et les Congolais vivant à l’étranger, ceux qui prennent en charge l’essentiel du poids social des millions des leurs au pays, ont-ils désarmé ? Ont-ils finalement digéré le hold-up électoral du 28 novembre 2011 ? Eux pour qui l’horloge de la démocratie s’était arrêtée ce jour-là ?
Portent-ils dans le cœur monsieur « Joseph Kabila »? Non.
Resteront-ils inactifs de 2015 à 2016 ? Non ?
Pourront-ils concevoir une jonction « Congolais de l’étranger-société civile » au pays ? Oui.
Bipolarisation
Entre janvier 2015 et décembre 2016, une page inédite de l’histoire de la RD Congo s’écrira car, deux camps seront face à face.
D’un côté, ceux qui veulent se maintenir au pouvoir par tous les moyens, une clique, « un conglomérat d’aventuriers » comme l’aurait dit Mzee Laurent Désiré Kabila.
De l’autre, ceux qui aspirent à une meilleure vie, sur le sol de leurs ancêtres, des millions de crève-la-faim, clochardisés à outrance, quasi réduits au rang de cheptel humain par l’incurie, l’aventurisme , l’incompétence et la navigation à vue de ceux qui ont confisqué les manettes du pouvoir.
Entre janvier 2015 et décembre 2016, un camp gagnera, ça passera pour lui et... Ca cassera pour l’autre.
Bruxelles, le 9 décembre 2014
Cheik FITA