Selon les informations officielles, dans la nuit du 19 mars 2015, les autorités congolaises ont procédé à l’inhumation de 424 corps dans une fosse commune à Maluku, à 80 kilomètres du centre de la ville de Kinshasa.
Qui sont ces personnes inhumées ? Il y a une version officielle. Est-t-elle vraie à 100% ou s’agit-il d’une mise en scène macabre comme il y en a eu tant depuis quelques années? Quelle est l’opinion du commun des Congolais ? Cette information desservira-t-elle ou pas le régime de monsieur Joseph Kabila ?
En guise d’introduction, voici le résumé d’un conte traditionnel congolais.
« À l’approche du retour au village des adultes venant des champs, un enfant avait l’habitude de monter dans un arbre et criait : ″Au secours, un lion !″ Quand les gens accourraient pour le secourir, l’enfant descendait en riant. C’était un mensonge. Une fois, deux fois… Mais un jour, alors que les adultes rentraient des champs comme de coutume, ils entendirent au loin, le même enfant crier : ″Au secours, un lion ! ″ Les adultes qui entendirent cela se dirent : ″C’est l’enfant qui a l’habitude de se moquer de nous ″. Personne ne se précipita vers le lieu de l’éventuel danger. Hélas, cette fois l’enfant disait vrai. Quand les adultes passèrent à côté de l’arbre, ils constatèrent avec effroi la triste réalité : l’enfant avait effectivement été dévoré par le lion. »
Le pouvoir actuel à Kinshasa est considéré par de nombreux congolais comme issu d’un hold-up électoral au lendemain du scrutin chahuté du 28 novembre 2011. Il use et abuse des contre-vérités. On a eu beau crier « vérité des urnes », le régime a continué son bonhomme de chemin. Récemment, du 19 au 21 janvier 2015, il y a eu à Kinshasa et dans d’autres villes du Congo, des émeutes populaires contre le pouvoir de Joseph Kabila, avec comme réaction de tueries, des arrestations arbitraires, des emprisonnements et des disparitions de plusieurs personnes.
Des activistes de droits de l’homme comme Christopher Ngoyi croupissent à Makala après avoir été détenus durant des jours en un lieu secret. N’eut été la forte mobilisation nationale et internationale, aurait-on un jour revu Christopher Ngoyi ?
Et voilà que subitement l’on apprend qu’il y a une fosse commune à Maluku dans laquelle le régime a inhumé 424 corps !
C’est après-coup que sort la version officielle selon laquelle : « La morgue centrale de l’hôpital Mama Yemo, comme d’habitude, avait écrit à l’Hôtel de Ville de Kinshasa pour qu’on la débarrasse du grand nombre de corps d’indigents, qu’on ne savait plus où mettre, il fallait à tout prix organiser l’enterrement. Et le gouvernement se pliera en quatre pour exaucer le vœu exprimé par la morgue centrale de l’hôpital Mama Yemo. L’inhumation devant dit-on, se faire soit très tôt, soit tard dans le soir au moment où l’on n’enterre plus personne ».
Pour que l’opinion puisse gober cette version officielle, il faut une véritable traçabilité de la besogne. Car, dans l’exécution de cette macabre entreprise, il y a eu des concepteurs du projet, des planificateurs, des exécutants et au bout de la chaîne…Des corps de personnes ensevelies !
Faute de traçabilité et d’identification de tous les morts, dans l’opinion, ces personnes inhumées à Maluku resteront les victimes du régime.
À force d’avoir pris l’habitude de tordre le cou à la vérité dans sa communication et même dans son existence, le régime de monsieur Kabila, se retrouve rattrapé par ce défaut, au risque d’être dévoré, comme l’enfant du conte,
Le régime de monsieur Kabila doit prouver qu’il a dit vrai (cette fois !).
Car dans l’opinion, il est présumé coupable.
Bruxelles, le 7 avril 2015
Cheik FITA