Le 28 novembre 2015, quatre années se seront écoulées depuis la présidentielle et les législatives chahutées de 2011 qui auront consacré la confiscation du pouvoir en RD Congo par un véritable hold-up électoral.
Dans treize mois une autre présidentielle et d’autres élections législatives sont prévues.
Comment le peuple congolais peut-il s’approprier ce moment unique en envoyant à la Présidence ainsi qu’au Parlement de véritables élus du peuple, et non des individus soutenus de l’étranger ou des traficoteurs du verdict des urnes ?
Dans un pays normal, les élections sont un moment particulier certes, mais les règles de jeu sont telles, qu’une fois les résultats proclamés, la nation passe à autre chose parce qu’il n’y a pas de raisons de douter des chiffres publiés qui sont conformes à l’expression du peuple.
Pour 2016, le peuple congolais pourra-t-il s’offrir des élections acceptables ? Oui. A condition de surmonter les pesanteurs suivantes :
- La communauté internationale.
La communauté internationale s’était engagée à fonds dans le processus électoral de 2006 en prenant faits et causes pour le Président sortant de l’époque. Près de cinq cent millions d’euros furent investis dans le processus électoral. Et bien avant le scrutin, on connaissait déjà le vainqueur, parce que telle avait été la volonté des tireurs de ficelle de l'époque.
Alors que dans les accords de Sun City(dialogue intercongolais) il avait été prévu des élections qui commencent par le recensement, puis par les élections locales pour se terminer par la présidentielle, certains politiciens occidentaux influents de l’époque décidèrent de commencer par le sommet à savoir les législatives, la présidentielle, les provinciales avec l’élection des gouverneurs et des sénateurs à la clé. « Nous voulons d’abord avoir des interlocuteurs au sommet », avait un jour lâché le belge Louis Michel. Le recensement de la population et les locales passèrent à la trappe. Et les effets pervers de cette immixtion nous poursuivent jusqu’à ce jour :
- Treize ans après Sun City, le citoyen congolais n’a pas de carte d’identité nationale,
- Le pays ignore le nombre exact de ses citoyens,
- Le corps électoral est inconnu,
- Et pour accéder au pouvoir, certains politiciens congolais continuent encore à courir les capitales occidentales dans l’espoir rétrograde d’obtenir une « certaine » bénédiction de parrains étrangers… afin de diriger la RD Congo !
- Après quinze ans de pouvoir, Joseph Kabila partira sans avoir réussi à organiser des élections locales !
- Les congolais vivant à l’étranger
En 2011, suite au hold-up électoral, les Congolais de l’étranger manifestèrent dans plusieurs villes du monde. Cela avait eu pour effet un certain isolement du pouvoir. Et l’opinion internationale fut suffisamment alertée. Aujourd’hui, tout le monde est unanime : ceux qui sont au pouvoir n’ont pas de légitimité.
Mais les Congolais vivant à l’étranger ont-ils suffisamment pris conscience de leur force politique ? Ont-ils réussi à mettre en place des structures en réseau capables d’être un interlocuteur valable ? Ont-ils réussi à maintenir l’engouement et la popularité d’alors ? Ont-ils affiné leur ligne idéologique ? Ont-ils réussi à créer une interface avec la population en RD Congo ? Ont-ils réussi à mettre en place des leviers capables d’influer sur la marche politique en RD Congo ?
- Les partis de la « majorité »
Il est renversant de voir une minorité se dénommer majorité. La majorité des parlementaires de l’actuelle assemblée nationale est composée d’individus qui ne doivent leur présence dans l’hémicycle que grâce au tripatouillage et à la fraude. Derrière eux, il n’y a en réalité qu’une infime partie de la population. De sorte que dans l’ensemble, la majorité de la population ne se reconnaît pas en ces parlementaires. Malheureusement, ils agissent et légifèrent comme s’ils étaient le fruit des aspirations profondes du peuple. Ils ont fini par y croire… Et le faire croire à certains membres de la vraie majorité populaire !
- Les partis de l’opposition, des ambitions démesurées
Depuis 1990 au lendemain du retour au multipartisme, plus de cinq cent partis politiques ont été créés. Et autant de « Président-fondateurs » se sont retrouvés en circulation, rêvant chacun de devenir un jour Président de la République. Et dans cette dynamique, tout individu qui émerge à un moment ou à un autre rêve déjà d’être successeur de Joseph Kabila. Dans les faits, de 1960 à 2015, juste quatre personnes ont eu l’occasion d’être Présidents de la République. Même en changeant de Présidents tous les cinq ans, nous n’en serions qu’à 11. Une chance minime pour chacun.
Et en définitive, le nombre de partis qui sortent du lot n’excède pas 10. Mais que d’ambitions démesurées. Irréalisme ? Roublardise ? Naïveté ?
- La société civile
Le pays va mal et présente un visage hideux au monde entier… Parce que la gouvernance politique est minable. En véritable sentinelle, la société civile aurait dû régulièrement sonner le tocsin, eu égard aux inepties toutes aussi régulières du pouvoir exécutif.
Où est la société civile congolaise ? Où sont les ingénieurs ? Les médecins ? Les avocats, les étudiants, les syndicalistes, les patrons d’entreprises, les journalistes, les artistes, les écrivains… ?
Le prix Nobel de la paix 2015 a été attribué à des organisations de la société civile de Tunisie.
Cela n’est-il pas interpellant ?
- L’électeur congolais
Régulièrement, des personnes nous demandent : qui sera le prochain Président après Kabila ?
Nous leur répondons : Qui sera l’électeur ?
Oui. Il n’y a pas de Président de la République s’il n’y a pas d’électeurs. Malgré le bourrage des urnes, sur les 11 candidats de 2011 ou sur les 33 candidats de 2006, aucun n’était reparti bredouille.
Quels sont les critères qui avaient conditionné le vote de l’électeur congolais ?
En 2011, après le hold-up électoral, quel a été l’attitude de l’électeur en RD Congo, a-t-il réclamé la vérité sur son vote ?
- Joseph Kabila
Le 26 janvier 2001, lors de son tout premier discours en tant que Président de la RD Congo, monsieur Joseph Kabila avait dit : « L’armée dont je suis l’émanation n’a pas pour ambitions de s’accaparer du pouvoir ».
14 ans après ces propos, monsieur Joseph Kabila est toujours là ! Pire, treize mois avant la présidentielle de 2016, il n’a toujours pas émis un signal clair dans le sens de son départ du pouvoir. Pourtant, cela aurait dû être tout à son honneur. Partir du pouvoir n’est pas une malédiction ! Hélas, celui qui aurait dû être la solution pour de bonnes élections est paradoxalement le principal problème.
Pour 2016, le peuple congolais doit tirer les leçons des élections de 2006 et 2011 en surmontant toutes ces pesanteurs.
Bruxelles, le 13 octobre 2015
Cheik FITA