Le départ du pouvoir de Blaise Compaoré a été en grande partie l’œuvre de la société civile Burkinabé.
Le 9 octobre dernier, la société civile tunisienne a obtenu le prix Nobel de la paix. Tout le monde a encore à l’esprit le printemps arabe.
En RD Congo, c’est un secret de polichinelle, monsieur Joseph Kabila n’a pas envie de « dégager ».
Avec une société civile organisée, est-il possible d’obtenir une alternance politique fin 2016 ?
Oui.
La société civile congolaise est-elle en mesure de jouer pleinement son rôle ?
Nous nous permettons d'en douter très sérieusement. Pourquoi ?
Le 11 avril 2007, il y a huit ans, nous avions écrit et publié sur notre site un article intitulé : « Société civile congolaise, se démarquer des partis politiques ».
Huit ans après, en relisant cet article, nous avons un pincement au cœur : presque rien n’a changé depuis lors.
Le pincement au cœur, ce n’est pas parce que depuis huit ans, presque rien n’a changé dans la société civile, c’est plutôt la perspective selon laquelle, dans les huit ans à venir, il n’y a pas de raison que cela change, aucun déclic significatif n’apparaissant à l’horizon.
Où se trouve la pesanteur ?
Question subsidiaire : En vaut-il la peine de continuer à réfléchir pour que huit ans après, on se retrouve au même point ?
La société civile congolaise tant au pays qu’à l’étranger est-elle complice du statu quo ?
Surtout dans la communauté congolaise de l’étranger : que d’agitations, que de déperditions d’énergie et au finish, aucune structure viable, aucun réseau sérieux et efficace capable d’avoir un impact sur la marche sociopolitique du pays. Que chaque membre de cette société civile congolaise se fasse une opinion en relisant l’article ci-dessous, et surtout, que chacun de nous ait l’honnêteté d’évaluer son degré d’implication positive dans la marche de notre pays vers un réel changement: Avocats, médecins, enseignants, professeurs, artistes, écrivains, infirmières et infirmiers, femmes commerçantes, étudiants, élèves, parents d’élèves, ouvriers, chefs d’entreprises, taximen, chômeurs, journalistes, syndicats, agriculteurs, éleveurs, ingénieurs… Manifestez-vous!
Prenez chacun une résolution pour un engagement citoyen, résultats à l'appui.
Ne l'oubliez pas: la nature a horreur du vide. Votre attentisme est synonyme de complicité pour que le vide soit comblé par les premiers aventuriers venus.
Fin 2016, c’est bientôt. Ce sera aussi un moment de verdict pour la société civile congolaise au pays, et surtout à l'étranger.
Bruxelles, le 21 octobre 2015
Cheik FITA
Retro. Société civile congolaise : se démarquer des partis politiques.
Aujourd’hui, tous les congolais aspirent à une meilleure vie. Le développement de notre pays est tributaire de la force ou non de deux groupes suivants: les partis politiques et la société civile. Dans deux semaines, le discours du Maréchal Mobutu libéralisant les activités politiques et syndicales aura 17 ans. Après autant d’années, le bilan de ce qui nous sert de classe politique n’est pas extraordinaire. Il est même médiocre à plusieurs égards.
Quel est celui de la société civile ? Pour l’avenir, comment celle-ci devrait-elle s’organiser désormais?
Après avoir été le fer de lance de différents changements avant et pendant la conférence nationale souveraine, la société civile congolaise a été pratiquement phagocytée par les camps politiques. Pour des raisons de profit personnel, bien de représentants de la société civile ont rejoint corps et biens, les groupements politiques. D’autres ont été réduits au rang de griots des politiciens au profil peu reluisant.
Dans tout cela, c’est le citoyen qui trinque. Lui qui ne sera jamais ni Président de la République, ni ministre, ni député, mais n’aura que son boulot, s’il en trouve, comme source de revenu. Il avait naïvement cru qu’après les élections, il y aurait un changement dans son quotidien. Au lendemain des élections, le « gâteau » s’est partagé entre une clique d’individus. Quelques milliers seulement.
Et l’avenir meilleur que l’on faisait miroiter à des millions de gueux ? Un mirage ! Ils sont tous tombés dans le panneau, ceux qui ont donné leur suffrage: Pas de création d’emploi, pas de salaires dignes, dans la fonction publique et à l’éducation nationale, pas de transport en commun, pas d’amélioration du réseau électrique ou de distribution d’eau…pas, pas, pas…. Bref, pour beaucoup, c’est la désillusion. « Avant les élections égale après les élections » ou pire, parfois. Les politiques ont réussi à emmener bien de gens en bateau ! Et parmi les complices ? Une société civile instrumentalisée, émiettée, avec au bout de la chaîne, des citoyens esseulés.
L’heure est venue pour que la société civile se ressaisisse, se réorganise et retrouve son identité originelle. Les raisons sont nombreuses et variées.
- Les associations de la société civile sont les plus proches du citoyen, donc de ses problèmes. Se fourvoyer dans le marigot politique congolais revient à abandonner le citoyen à son triste sort.
- Le fonctionnaire, l’infirmière, l’enseignant, peut-il avoir meilleur avocat à part lui-même ? Pourquoi ne pas être davantage unis et soudés quant on exerce la même profession ? Pourquoi ne pas créer une plus grande union entre les différentes associations professionnelles ?
- Les associations de la société civile ont l’avantage de pratiquer en leurs seins les principes démocratiques : assemblées générales, élections transparentes, mandats à durée déterminée et pas de présidence à vie. Est-ce le cas dans les partis congolais où le président est tacitement propriétaire de l’organisation ! Conséquence de cet état de choses : des instructions viennent d’en haut avec ce que cela implique de dérive.
- Bien organisée, la société civile est un véritable contre-pouvoir, et dans bien de situations, capable de mettre au pas les institutions en place. Le citoyen demande-t-il mieux ?
Toutes les associations professionnelles ou non doivent immédiatement se décarcasser : Avocats, médecins, enseignants, professeurs, artistes, infirmières et infirmiers, femmes commerçantes, étudiants, élèves, parents d’élèves, ouvriers, chefs d’entreprises, taximen, chômeurs, journalistes, syndicats, agriculteurs, éleveurs…
À l’heure de la mondialisation, il est du devoir des associations de la société civile congolaise d’être en jonction avec leurs homologues se trouvant en Europe ou en Amérique. Et spécialement les associations des congolais vivant à l’étranger.
En Europe, désormais, il est possible d’obtenir différents types d’appui pour les organisations de la société civile au pays : Matériel, financement, formation, assistance technique… Mais l’état de besoin, les projets ne doivent-il pas être établis par ceux qui sont sur terrain au Congo même ?
À titre d’illustration, nous épinglerons un cas en cours :
L’association POTO MO INDO de Belgique se prépare à mettre sur pied un réseau pour le développement des communautés de base au Congo : en collaboration avec d’autres associations de congolais vivant à l’étranger d’une part, et des associations de la société civile au Congo, d’autre part. Cela pourrait-il être efficace tant que la société civile se complairait à rester une nébuleuse ?
De telles actions ne pourraient-elles pas permettre de contrebalancer les limites de la coopération au développement pratiquée par les partenaires du Congo depuis des décennies : Souvent des projets sans une approche socioculturelle profonde des destinataires. Le souvenir des différents éléphants blancs est encore frais dans nos mémoires. Si après autant d’années de coopération au développement, nos pays sont toujours sans développement, ce qu’il y a problème ! Chez nous bien sûr. Mais chez nos partenaires du Nord aussi.
Si la société civile se réveille, est-ce pour autant que le rôle des partis politiques sera amoindri ? Non. Les partis politiques sont créés pour la conquête et l’exercice démocratique du pouvoir. Aujourd’hui, la plupart des partis politiques congolais ont besoin d’une véritable cure. Ils doivent :
- Davantage démocratiser leur organisation interne
- Avoir dans leurs comités de personnes chargées de différents aspects de la vie nationale : Economie, culture, social, éducation, diplomatie... Pourquoi en cas d’attribution de poste, cela devra-t-il toujours être le président national qui hérite de la nomination ? Pourquoi la succession des présidents « fondateurs » devrait-elle être un sujet tabou ?
- Évaluer et assurer leur importance par le nombre de cartes de membres, vendues.
- Rendre leur implantation réellement nationale en nous libérant des partis d’envergure provinciale voire tribale.
- Assurer leurs finances grâce en premier lieu aux cotisations des membres. Comment pourrait-on prétendre gérer tout un Etat si au niveau du parti on n’est pas en mesure de convaincre les membres à contribuer financièrement à la marche de l’organisation ?
- Vulgariser d’avantage leurs projets de société. Le pouvoir en place au Congo étant légal pour certains, et de fait pour d’autres, Les élections ne sont jamais bien loin : dissolution du parlement, décès ou « impeachment » du Président, et voilà des élections anticipées ! Dans tous les cas, d’ici quatre ans, les partis devraient être déjà en campagne. Avec quel discours cette fois ?
La société civile doit s’assumer : l’heure a sonné pour qu’elle joue véritablement son rôle dans la société congolaise : éveilleur de conscience et acteur socioculturel pour la population, aiguillon contre le pouvoir en place et la classe politique.
Cheik FITA
Bruxelles, le 11 avril 2007