La victoire des Léopards de la RD Congo au CHAN Rwanda 2016 a provoqué une explosion de joie dans toutes les rues , de Kinshasa, de toutes les villes de la RD Congo ainsi que dans tous les villages du pays… Jusque dans la diaspora congolaise.
En temps normal, cet événement aurait dû être fêté comme un événement sportif sans plus.
Hélas, deux ingrédients inattendus se sont invités :
- La tension politique autour de la présidentielle de novembre 2016 marquant la fin du deuxième et dernier mandat électif du Président Kabila,
- Le pays où l'équipe nationale de la RD Congo devait disputer cette coupe : Le Rwanda.
En janvier 2015 les Congolais étaient descendus dans la rue pour manifester contre l'adoption d'une loi électorale qui aurait permis à monsieur Joseph Kabila de rester au pouvoir au-delà du délai constitutionnel. Il y eut la répression, il y eut des morts. En finale, la voix du peuple fit reculer le régime. L'alinéa querellé fut retiré du projet de loi.
Depuis lors et bien avant, les Congolais vivent sous un régime policier : pas de manifestations ou presque pas, médias officiels mis aux pas, opposants traqués, à la moindre manifestation de la population, les chars sont exhibés dans la rue.
Du côté du Rwanda, pays organisateur, comme tous les pays participants, on aspirait à gagner la coupe.
En organisant le CHAN, Paul Kagame qui n'est pas le premier venu en politique se donnait 50 à 60 % de chances pour que la coupe reste dans son pays.
Quant aux Congolais, en se qualifiant pour le CHAN Rwanda 2016, il y eut un déclic dans leur subconscient collectif. Si la RD Congo voulait gagner la coupe, elle devait s'attendre à rencontrer le Rwanda pays organisateur et sérieux prétendant au titre. Au mieux lors des éliminatoires, au pire en finale.
Ce qui devait arriver arriva !
Le Rwanda et la RD Congo se rencontrèrent en quart de finale dans un « match qu'il ne fallait pas perdre ». La RD Congo gagna après un match fort en émotions. Il y eut explosion de joie à Kinshasa et à travers toute la RD Congo.
En réalité cette explosion de joie fut aussi un véritable exutoire pour tous les refoulements depuis l'entrée de l'AFDL à Kinshasa dans le camion rwandais jusqu'à l'entêtement actuel à se cramponner au pouvoir du plus grand héritier de l'AFDL : Joseph Kabila.
Et les Kinois bons créateurs, bons chanteurs et frondeurs à souhait ont ainsi créé un slogan, une prière, un objectif, un chant de guerre, une menace à peine voilée pour ne pas dire « Un ordre de quitter ! » : « Kabila oyebela mandat esili ». Traduction : « Kabila sois sur tes gardes , ton mandat a expiré »
Dimanche 7 février 2016 jour de la finale, jour de joie en cas de victoire, qui voit-on sur le plateau de la télévision nationale ? Un haut gradé de la police nationale qui veut réglementer la façon d'être joyeux en cas de victoire des Léopards. Les chars et autres blindés sont largués contre la liesse populaire. En réalité, le cri de guerre de la population avait déjà été reçu cinq sur cinq en haut lieu et y a fait mouche.
À Kigali, à l'issue du match, les Léopards de la RD Congo gagnent. Paul Kagame le Président du Rwanda remet la coupe au Capitaine de l'équipe congolaise. Image pleine de symboles. Dans le subconscient collectif congolais, ce geste apparaît comme une véritable capitulation de l'ennemi, sur ses propres terres.
Si à Kigali, la page du conflit psychologique RD Congo-Rwanda vient d'être tournée, à Kinshasa, le scénario est encore tout autre.
À grand renfort de gaz lacrymogène, blindés et autres chars, le maître des lieux en est encore à livrer un combat contre un ennemi invisible dont on ne peut juste entendre que la voix qui crie : « Kabila oyebela mandat esili ». Visiblement, un combat d'arrière garde.
Bruxelles, le 8 février 2016
Cheik FITA