Bâtiment du Cinquantenaire, siège de l'assemblée provinciale de l'ex Katanga
Le régime de Kinshasa a décidé d'organiser les élections des gouverneurs de nouvelles provinces, le 26 mars 2016. Qui devront élire ces gouverneurs ? Des députés provinciaux. Où?
Déjà que politiquement cette affaire est une bizarrerie de part le corps électoral, il y a aussi des dispositions pratiques qui ont été négligées et qui interpellent : le siège de toutes ces nouvelles assemblées provinciales. Où siègent les députés provinciaux ? Dans des hémicycles dignes de ce nom ou dans des baraques réquisitionnées à la va-vite ?
Apparemment, le mal est plus profond car, même le parlement national pose problème quant à son siège.
Coup d'oeil.
1. L'assemblée nationale dite la chambre basse, siège dans la grande salle de spectacles du Palais du Peuple.
Le Palais du Peuple, c'est un immeuble construit par les Chinois comme ils en ont construit un certain nombre sur le continent africain. C'est un lieu conçu pour de grands événements. Ce n'est pas un hémicycle. Quelle est l'origine de cette méprise ?
Jusqu'à l'ouverture de la CNS, Conférence Nationale Souveraine, durant les années 90, l'assemblée nationale siégeait au Palais de la Nation à Gombe, un immeuble hérité de la colonisation.
À l'issue de la CNS, le Haut Conseil de la République avait été constitué comme parlement de transition. Pour empêcher son installation, le régime de Mobutu fermera le Palais du Peuple. C'est ainsi que la première séance du Haut Conseil de la République en tant que parlement eut lieu au Théâtre du Zoo de Kinshasa. Plus tard, Mobutu céda et le Haut Conseil de la République alla siéger au Palais du Peuple… Jusqu'à l'entrée de l'AFDL.
En 2000, le régime de Mzee Laurent Désiré Kabila crée son parlement de transition, l'ACL-PT à qui il est donné comme siège, le bâtiment du 30 juin à Lubumbashi. Ce bâtiment appelé aussi le « Cinquantenaire » est en réalité une salle de théâtre.
Après les accords de Sun City, avec la mise en place du parlement de transition du régime « 1+4 », ce parlement prend comme siège, la grande salle de spectacle du palais du Peuple, d'une capacité de plus ou moins 3.000 places.
Lors des élections de 2006, le premier parlement de la 3ème République va siéger dans cette même salle de spectacle... Jusqu'à ce jour!
2. Le sénat
La constitution de la transition 1+4 avait institué le bicamérisme. Le sénat réapparaît. Où va-t-il avoir son siège ? Au Palais du Peuple, dans ce qui était à l'origine, la salle des conférences internationales.
3. Les assemblées provinciales
A l'issue des élections provinciales de 2006, les assemblées provinciales sont installées en 2007.
Durant le premier mandat électif du Président Joseph Kabila, où siègent les députés provinciaux ?
Au Katanga, la province la plus riche, l'assemblée provinciale a commencé à siéger au bâtiment du 30 juin.
4. Quid des assemblées provinciales de nouvelles provinces ? Leur existence théorique remonte aux accords du Dialogue Inter-congolais de Sun City. L'état congolais a eu douze ans pour construire des hémicycles pour les parlements provinciaux.
Mi-2015, la RD Congo passe de 11 à 26 provinces. Conséquence, il faut des gouverneurs ! Pour avoir des gouverneurs, il faut qu'il y ait des élections par des députés provinciaux. Les députés de 2007-2012 des onze anciennes provinces sont transformés en députés de nouvelles provinces.
Où diantre, siègent tous ces députés ? Est-il possible de rendre publiques les photos de leurs lieux de travail ?
Quels équipements y a-t-il dans ces bâtiments ? Y a-t-il le courant électrique ? Y a-t-il un micro sur le pupitre de chaque parlementaire ? 3ème millénaire oblige, dans ces bâtiments, y a-t-il accès à l'Internet ? Y a-t-il des salles pour les différentes commissions ? Des bureaux pour les responsables tant politiques qu'administratifs ? A quelles adresses postales pourra-t-on les atteindre ?
Cela saute aux yeux, dans l'affaire des assemblées provinciales de nouvelles provinces, le régime a mis la charrue avant les bœufs. Est-ce par aventurisme ou par incompétence ?
Depuis douze ans, parmi les milliers d'intellectuels qui gravitent autour des décideurs politiques, n'y en a-t-il pas un seul à qui était dévolue la mission de s'assurer de la construction des sièges de toutes ces assemblées ? A défaut de cela, n'y en a-t-il pas un seul qui a été capable de relever cette anomalie monstre, d'y réfléchir et d'en parler aux responsables ?
Comment peut-on se donner le luxe d'humilier à la face du monde tout un peuple, en lui imposant des parlements sans sièges dignes de ce nom, des parlements pratiquement « SDF » ? Et c'est sous les arbres que seront désignés les pseudo-Gouverneurs qui dirigeront des provinces plus grandes que la plupart des pays européens. Pitoyable gestion de la Res Publica.
Bruxelles, le 11 mars 2016
Cheik FITA