En écoutant le message prononcé le mardi 4 octobre 2016 par Étienne Tshisekedi lors du conclave du « Rassemblement », Joseph Kabila, Président sortant de la RD Congo devra accepter une évidence : Le début de la fin de sa carrière en tant que premier citoyen de la RD Congo a commencé.
Arrivé au sommet de l'état par le concours de certaines circonstances, Joseph Kabila avait toutes les chances d'écrire son nom dans l'histoire de la RD Congo en lettres d'or.
Du fait qu'il se prénommait « Kabila », du fait qu'il était officier militaire et que la RD Congo était en guerre, les apparatchiks du pouvoir de l'époque n’hésitèrent pas beaucoup à le désigner comme successeur de Mzee Laurent Désiré Kabila, assassiné quelques jours plutôt. Quoique par la suite, les investigations montreront que cette ascension n 'était pas si accidentelle que cela et que quelque part, des cerveaux avaient planifié un certain nombre de choses.
Mais le jour de son accession au pouvoir, endeuillé par la disparition du Mzee dont le discours patriotique commencer à séduire, le peuple souverain n'avait pas dit non en voyant le nouveau monarque.
Parachuté à la tête du pays, Joseph Kabila ne se sentait pas redevable vis-à-vis du peuple congolais car, ce n'est pas lui qui l'avait hissé au sommet.
En 2003, le dialogue inter-congolais de Sun City conféra à Joseph Kabila une certaine légitimité. Il eut ainsi l'occasion de diriger le pays sous la formule 1+4. Ce régime avait pour mission de mettre la RD Congo sur la voie démocratique de la façon suivante :
- Recenser la population et le corps électoral,
- Faire adopter une nouvelle constitution par référendum,
- Organiser les élections en commençant par les locales pour terminer par la présidentielle.
À cette étape, Joseph Kabila aurait pu quitter la scène politique avec tous les honneurs, en ne se présentant pas, en se contentant d'être le pouvoir organisateur.
Hélas, il franchit pas. Et c'était le début d'une aventure. Pour quelle issue ? La scène politique congolaise de l'époque n'était pas vide : Antoine Gizenga, Zanga Mobutu, Kibasa Maliba, Jean-Pierre Bemba, Étienne Tshisekedi…
Pour devenir Président, Joseph Kabila devait surclasser tous ceux-là.
Deux anomalies majeures eurent lieu.
- Lors de la rédaction de la nouvelle constitution, Joseph Kabila n'avait même pas 35 ans. Tous les textes constitutionnels congolais précédents donnaient 40 ans comme âge minimum pour être candidat à la présidentielle.
La constitution en élaboration ramena l'âge minimum du candidat Président à 35 ans. Constitution taillée sur mesure ?
- Le cycle électoral décidé au dialogue inter-congolais de Sun City avait prévu de commencer par les locales, il commença par la présidentielle. C'était la décision du Lobby Louis Michel qui tenait la bourse pour l'organisation des élections congolaises de l'époque.
Malgré ces appels de pieds, Joseph Kabila avait encore la possibilité de sortir de la scène politique la tête haute en ne se présentant pas à la présidentielle. Durant ses cinq ans de règne, Joseph Kabila n'avait pas été un grand tribun capable de galvaniser les foules, bien au contraire.
Joseph Kabila devenu Kabange dans l'entre-temps pour des raisons évidentes, décida d'être candidat à sa propre succession.
On le verra affublé comme son ombre de Vital Kamerhe durant toute la campagne électorale 2006… Pour mieux se faire comprendre !
Qui dit campagne, dit bataille sans merci où tous les coups étaient permis.
Des questions surgirent :
- Au fait, qui est-il ce Joseph Kabila ?
- Quel est son cursus scolaire ?
- Est-il le fils de Laurent Kabila ?
- N'est-il pas un imposteur ?
- ...
Après la présidentielle de 2006, jouissant désormais d'une certaine légitimité des urnes, Joseph Kabila siffla « la fin de la récréation ».
Dans les faits, des appétits de pouvoir étaient apparus : tendance à concentrer tous les pouvoirs , bombardement de la résidence de Jean-Pierre Bemba son challenger de 2006, rétrécissement de l'espace de l'expression démocratique, embastillement des opposants...
Janvier 2011, en prévision de la présidentielle de novembre, Joseph Kabila envoie aux Congolais un signal sans équivoque :
L'article 71 de la constitution est modifié. Il était libellé comme suit « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n'est pas obtenue au premier tour du scrutin, il est procédé dans un délai de quinze jours, à un second tour. »
Cet articles est ainsi modifié :
« Le Président de la République est élu à la majorité simple des suffrages exprimés ».
Oui, un seul tour au lieu de deux.
Novembre 2011, LA RD Congo assiste à un véritable hold-up électoral par un bourrage des urnes digne des républiques bananières.
Il aurait accepté la défaite, Joseph Kabila aurait pu encore être excusé.
Joseph Kabila entame un deuxième et hélas dernier mandat présidentiel.
Dès 2013, le spectre de la fin de ce deuxième et dernier mandat apparaît. Commencent de multiples manœuvres pour modifier la constitution jusqu'aux manifestations de janvier 2015 réprimées dans le sang.
Mi-2015, changement de stratégie : Joseph Kabila approche l'opposition pour un dialogue. Cela piétine durant une année.
En désespoir de cause, Kabila sort ses toutes dernières cartes : caporaliser la Cour Constitutionnelle et la CENI, acheter certains opposants pour un hypothétique « dialogue » pouvant lui donner une certaine légitimité ...
À ce jour, le dialogue versus Kabila-Kodjo balbutie risquant de se transformer en eau de boudin.
En date du 4 octobre 2016, vient alors le coup d'estocade qu’Étienne Tshisekedi assène à Joseph Kabila :
« - 19 septembre 2016 : avertissement,
- 19 octobre 2016 : carton jaune,
- 19 décembre 2016 : carton rouge,
- 20 décembre 2016 : dehors ! »
Durant les jours à venir, le combat de Joseph Kabila pour se cramponner au pouvoir risque de ressembler à celui de Don Quichotte contre les moulins à vents.
Le verdict est déjà prononcé, le peuple l'a entendu et va l'intérioriser :
- Étienne Tshisekedi vient de véritablement « chasser » Joseph Kabila de la scène politique congolaise.
C'est une véritable épitaphe politique de Joseph Kabila que le sphinx de Limete a prononcé .
Bruxelles, le 5 octobre 2016
Cheik FITA