Mme Fatou Bensouda, Procureure de la CPI, Cour Pénale Internationale, a séjourné à Kinshasa du 1er au 3 mai 2018.
Visite cosmétique ? Visite protocolaire ?
La réponse est à chercher dans sa communication lors de la conférence de presse qu’elle a tenue au bureau de la CPI à Kinshasa le jeudi 3 mai 2018, après avoir rencontré les principaux officiels du pays, la société civile, les politiques…
Voici un extrait de sa communication dans laquelle peuvent être épinglés certains mots clés :
« J’ai fait part de mes inquiétudes quant à la situation critique et aux épisodes de violence me rapportés en particulier à Kinshasa, à Beni, dans les provinces des Kasaï et dans d’autres parties du terri1toire.
« J’ai également fait part de mes préoccupations quant aux actes observés à ces occasions, dont il est allégué qu’ils pourraient constituer des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale (CPI).
J’ai alors demandé aux autorités congolaises de prendre toutes les mesures nécessaires pour que des enquêtes véritables soient menées afin de faire la lumière sur les violences alléguées et de traduire en justice tous les acteurs impliqués dans leur perpétration. C’est en effet la responsabilité première des autorités nationales de mener des enquêtes véritables pour faire la lumière sur ces allégations, comme cela est prévu dans le Statut de Rome ratifié par la RDC.
La lutte contre l’impunité et la nécessaire prévention de crimes graves relevant du Statut de Rome de la CPI, sont primordiales pour la stabilité sociale ». Il est essentiel que des procédures nationales effectives soient menées contre les responsables de tels crimes qui ont troublé cette stabilité. Les appels de nombreuses victimes pour que justice leur soit rendue, doivent être entendus.
J’ai longuement échangé avec les autorités nationales sur la situation actuelle dans le pays, ainsi que sur l’état d’avancement des enquêtes et des poursuites nationales contre les auteurs présumés des actes criminels commis en RDC. »
Et plus loin, la procureure est plus incisive :
« , Il est de mon devoir de le rappeler sans équivoque : toute personne qui commet ou ordonne que soient commis des crimes relevant de la compétence de la CPI ou encore incite, encourage ou contribue à la commission de tels crimes, est passible de poursuites. »
La réflexion à haute voix sur cette phrase donne ceci :
- à Beni, au Kasaï, à Kinshasa, lieux qu’elle cite, y a-t-il eu des crimes relevant de la compétence de la CPI ?
- Si oui, y a-t-il des auteurs ?
- S’il y a des auteurs, y a-t-il eu des personnes qui ont ordonné la commission de ces crimes ?
- La procureure est-elle suffisamment informée ?
- Si non, finira-t-elle par être suffisamment informée ?
- Un fois suffisamment informée et possédant tous les éléments des dossiers, la Procureure mettra-t-elle en marche la machine judiciaire de la CPI?
Et pour l’avenir ? Sous-entendu, la période électorale qui approche à grands pas ?
La procureure dit :
« Il est impératif que toute action, toute activité sur l’étendue du territoire de la RDC, quels qu’en soient l’auteur, la nature et la forme, se fasse avec retenue et sens de responsabilité. »
Autrement dit, à ce jour, il est des compatriotes qui n’ont pas encore franchi la ligne rouge tracée par la CPI.
Mais lors de la campagne électorale, certains, par euphorie ou excès de zèle pourraient être tentés de franchir cette ligne rouge…
« De la retenue et de la responsabilité » a averti la procureure.
Cela n’est pas entré dans l’oreille des sourds, espérons-le. Il y a bel et bien une épée de Damoclès au dessus de certaines têtes.
Mais Mme Fatou Bensouda n’a rien laissé transpirer. Elle a peut-être été cordiale , mais ferme.
Bruxelles, le 4 mai 2018
Cheik FITA