Ce jeudi 15 mai 2008 de 19h 30 à 21H15, à notre manière, nous avons rendu hommage au grand écrivain Aimé Césaire.
L’initiative est des associations, « Panafrica » et « Carrefour » via l’écrivain belgo-congolais Antoine Tshitungu.
Oh, nous n’étions pas très nombreux ! À peine une dizaine de black. Sans accuser la forte pluie qui s’est abattue sur Bruxelles à l’heure du rendez-vous, en temps normal, nous atteignons à peine trente pour ce genre de manifestations. Les tenants de l’heure congolaise disposant d’un bon alibi.
À se demander : Où sont tous ces nègres de Belgique dont les parents furent libérés du joug colonial, grâce aussi aux écrits d’Aimé Césaire ? Au même moment, leurs progénitures à eux sont là dans le quartier Matonge de Bruxelles : garçons au regard vide, filles à peine habillées, exhibant bouts de string et nombrils.
Point de rencontre : Espace Matonge, au 78, chaussée de Wavre à Bruxelles.
Oui, juste un espace. Rien à voir avec un centre culturel. En attendant que les Congolais de tout bord, et ce qui nous sert de pouvoir, d’opposition, ou de société civile, comprennent qu’il n’est pas normal qu’à ce jour, il n’y ait pas un centre culturel congolais à Bruxelles.
Combien de bâtisses ici ne doivent-elles leur existence qu’à une autre existence, antérieure elle, d’un certain pays alors appelé « Congo belge ? » Véritable mamelle durant des décennies.
Bruxelles, capitale de l’Europe aujourd’hui, ancienne métropole du Congo et du Rwanda Burundi, ancienne plaque tournante de l’exportation des matières premières tirées du sol et du sous-sol du Congo alors belge. Il sied parfois de le rappeler.
Lecture d’extraits des œuvres de Césaire, débat autour.
En se plongeant dans cette œuvre immense, on se rend compte à quel point Aimé Césaire a passé sous la moulinette certains maux qui ont caractérisé son époque et en bonne place, la colonisation, le mépris du noir par le blanc, l’exploitation de l’Afrique…
Viennent alors les indépendances. Un grand mouvement qui a balayé l’Afrique, emportant et débaptisant sur son passage une catégorie d’individus alors appelés colons. Une véritable révolution. Des pertes humaines ont accompagné la décolonisation vers les années 60.
Vers les années 70, une autre vague d’indépendance arrive dans les bastions où l’homme blanc s’est cramponné : Rhodésie du Sud, Angola, Afrique du Sud, Namibie. Cette fois la lutte a aussi été armée. Avec plus de pertes en vies humaines.
Indépendance, et après ?
Indépendance pour indépendance ?
Et aujourd’hui, qu’y a-t-il comme dirigeants dans nos pays, à la place du « Mundele ? » Les écrits de Césaire ont-ils été honoré ?
« Les peuples n’ont que les dirigeants qu’ils méritent » dit-on. Tous ceux qui gravitent autour de dirigeants nègres, leur servant de cerveaux pensants, Césaire aurait dit de « leur servant de nègre »… Ces conseillers, ministres, honorables, courtisans… N’ont-ils pas lu et étudié Césaire ?
En se regardant chaque matin dans le miroir, ces « intello » peuvent-ils avoir le courage de déclamer à nouveau certains des poèmes d’Aimé Césaire, et ensuite se rendre à leurs bureaux pour prodiguer conseils à leurs mentors ?
Et au retour de leurs bureaux, sur des routes cahotantes, en véhicules 4x4 climatisés achetés grâce à la sueur des pauvres, quelle pensée ont-ils pour ces milliers de misérables gueux à pied qu’ils croisent ?
Juristes, économistes, philosophes, sociologues, politologues, chimistes, mathématiciens, agronomes, médecins… Ils encombrent les allées du pouvoir en vidant à pleines mains les caisses de l’Etat, ont-ils été pour leurs compatriotes, le relais efficace des écrits de Césaire ?
Grâce au pouvoir qu’ils ont ainsi confisqué,
Quelle est leur bilan de l’évolution de l’enseignement de l’indépendance à nos jours ? Combien d’écoles et des bibliothèques construites ? Oui, pour lire Césaire, il faut aller à l’école puis dans une bibliothèque. Cela ne semble-t-il pas évident ?
Et pour accéder ou se maintenir au pouvoir combien de morts ont-ils à leurs compteurs ? Plus ou moins que lors de la lutte pour l’indépendance ?
La flamme allumée par Césaire devrant être maintenue, la lecture de l’auteur s’impose. L’apprentissage à la lecture est inévitable. Où ? A l’école !
Quelle est la situation des enseignants du primaire ? Ceux qui doivent extraire l’individu de l’ignorance ! Bien payés ? Salaires de misère ou pas payés du tout ?
Combien d’imprimeries a-t-on construit ? Oui, le livre se fabrique dans une imprimerie !
Sans imprimerie peut-on diffuser anthologies, et écrits des successeurs de Césaire que sont les nouveaux écrivains nationaux ?
À défaut de rentabiliser les indépendances, sont apparus d’autres mots mythiques, pour ne pas dire comme à Kinshasa : « mystiques ! » …Nouveau régime, zaïrianisation ou africanisation, c’est selon, multipartisme, conférence nationale, libération et … Elections ! La boucle est bouclée !
De quoi allons-nous nous plaindre ?
Logiquement nous devrions être des peuples heureux.
Or, nous ne le sommes pas.
Pourquoi ?
Chacun de nous, a-t-il eu le courage d’être le Césaire d’aujourd’hui ?
Ou est-il préférable de se voiler la face, de zapper Césaire, pour ne penser qu’à ses petits intérêts égoïstes et n’assouvir que des besoins primaires : bouff, bière, sape, sexe…Jusqu’à la débauche.
Et au diable ceux qui ne veulent pas descendre leur culotte et tirer profit de l’anarchie générale, de l’aventurisme ainsi que de la désarticulation de l’Etat.
Quelle ingratitude !
Triste hommage pour un si grand homme.
Cheik FITA
Bruxelles, le 16 mai 2008