Le 24 avril 1990, le Maréchal Mobutu, alors Président du Zaïre mettait fin au parti-état lors d’un discours prononcé à la N’Sele. C’était suite aux pressions de partis politiques alors clandestins, dont l’UDPS, la branche kinoise du Palu avec madame Pakasa, de différentes catégories sociales comme la presse, les étudiants, les enseignants, les médecins, les fonctionnaires… Le tout, amplifié par l’environnement politique international de l’époque suite à la chute du mur de Berlin et à l’émancipation politique des pays appelés alors pays de l’Europe de l’est.
La RD Congo a donné à chacun de nous le plus précieux cadeau : la vie. En retour, qu’avons-nous donné à la RD Congo ?
22 ans après la fin du parti unique, nous devons marquer un temps d’arrêt et nous poser des questions, sur l’état de la démocratie dans notre pays, sur notre implication personnelle en tant qu’individus, ou en tant que membres d’une catégorie socioprofessionnelle.
Après autant d’années, notre pays la RD Congo, peut-il être fier du visage qu’il présente au monde du point de vue de la démocratie ?
Chacun de nous ne devrait-il pas se poser de questions d’après sa catégorie ?
Catégorie un, les politiques
Pour eux, cette double question : « - Qu’ai-je profité de l’état, de l’argent de tout monde ? – En retour, qu’ai-je fait pour la RD Congo, pour chacun de mes compatriotes dont le bonheur et le bien-être dépendaient de mon mandat ? »
Et dans cette catégorie, nous retrouvons :
Ceux qui étaient aux affaires alors et vivaient des mamelles de l’état: Premiers commissaires d’état, commissaires d’état, secrétaires d’état, commissaires du peuple, membres du comité central, membres du bureau politique du parti-était, conseillers dans différents cabinets politiques, commissaires de Région, commissaires sous-régionaux, commissaires de zone, PDG, DGA, magistrats, officiers de l’armée et de la gendarmerie, cadres des services secrets…
Ceux qui sont arrivés aux affaires, juste après, durant la période de transition.
Ceux qui depuis lors se sont succédé aux différents postes politiques, qui n’avaient
comme revenu principal que l’argent du trésor public.
Et ceux qui aujourd’hui ont entre les mains les manettes de l’état.
Catégorie deux, les intellectuels
Ceux qui, depuis 1990 ont obtenu un diplôme universitaire.
« Ai-je employé ma science pour le triomphe de la vérité ? Ai-je combattu les antivaleurs afin qu’elles ne gangrènent pas la société ? Ai-je éclairé autour de moi, ceux qui sont moins instruits, afin de leur éviter de tomber dans l’erreur ? Ou alors, ai-je profité et abusé de ma science pour mon enrichissement personnel, indifférent à la misère des autres ? »
Catégorie trois, les leaders d’opinion
Journalistes, musiciens, comédiens, prêtres, pasteurs…
Cette question : « Ai-je utilisé mon aura pour promouvoir les valeurs, ou par contre, pour mon intérêt personnel, j’ai distillé et inoculé des antivaleurs à ceux qui s’abreuvaient de mes paroles, de mes écrits ou de mes enseignements ? »
Catégorie quatre, tous les citoyens anonymes.
Ceux qui avaient déjà dix-huit ans le 24 avril 1990, et tous ceux qui sont devenus majeurs dans l’entretemps.
« En tant que citoyen, suis-je au courant de l’histoire récente de mon pays et ses leçons? Quels sont mes devoirs ? Quels sont mes droits ? Suis-je toujours prêt à les revendiquer et à les défendre ? Quel est mon comportement, à chaque crise sociale, à chaque injustice, à chaque dérive totalitaire, je manifeste ou je m’abstiens ? Face aux enjeux politiques, lors des élections par exemple, est-ce que je vote en âme et conscience ou je me fais acheter pour un bol de farine ou une bouteille de bière ? Face à l’expansionnisme de certains pays voisins, ai-je défendu ma patrie ou ai-je préféré « collaborer » avec l’étranger, par lâcheté, ou par cupidité ? Face à l’imposture, à la tricherie, à la violation des lois et de la constitution, ai-je été indifférent, complice ou opposé ?»
À chacun de nous de s’identifier, de faire un examen de conscience, et d’adopter une attitude responsable désormais, et être ainsi capable, de se regarder dans le miroir sans en avoir honte et en se disant : « J’ai été et je suis utile à mon pays », d’être capable et fier de dire à ses enfants : « Je suis un Homme. »
Bruxelles, le 24 avril 2012
Cheik Fita