Séance inédite que celle qui a eu lieu le jeudi 30 octobre 2008 aux ACP à Bruxelles : alors qu’ils étaient tous réunis en séance depuis 15 heures, les ambassadeurs des ACP, Afrique-Caraïbes-Pacifique ont été obligés de recevoir une quinzaine de Congolaises de Belgique suite à la guerre qui sévit au Nord Kivu et dont les images humiliantes ont occupé tous les médias belges et internationaux.
Vers 18h05, le service du protocole fait entrer les Congolaises qui attendaient déjà depuis deux heures de temps. À notre entrée, le doyen du corps diplomatique, l’Ambassadeur Jacques OBIA du Congolais Brazzaville est en train de lire la déclaration des chefs d’Etat africains et Mme Wangari Maathai, Prix Nobel de la Paix, sur la guerre à l’Est du Congo.
Le président de l’institution souhaite la bienvenue à la délégation en invitant trois des leurs à prendre place sur le podium de la présidence.
Docteur Isabelle Kidisho lit alors le mémorandum des femmes Congolaises dont une copie est remise au président de la séance.
À l’issue de la lecture du mémo, la parole est donnée aux ambassadeurs. L’ambassadeur de Guinée Conakry est le premier à prendre la parole. Suivront ceux du Gabon, du Tchad, de l’Angola, de la Côte d’Ivoire, de Guinée équatoriale, de Djibouti du Congo-Brazza et enfin le représentant de la RD Congo.
De toutes ces interventions, nous retiendrons ceci :
- La dénonciation de la flambée de violence qui jette sur les routes des milliers de personnes innocentes, femmes, enfants et vieillards.
- L’opportunité d’une implication des femmes dans la résolution du conflit : Sous d’autres cieux, elle a permis de renouer le fil du dialogue entre les belligérants. Et cela est conforme à la place de la société civile dans les accords de Cotonou.
- La solidarité avec le peuple martyr du Congo
- La nécessité de dénoncer ce qui se passe à l’Est du Congo.
- Le danger que représente ce conflit : « Déstabiliser la RD Congo, c’est déstabiliser l’Afrique centrale. Déstabiliser l’Afrique centrale c’est déstabiliser l’Afrique car, le Congo est un géant de l’Afrique qui s’étend sur deux fuseaux horaires. Et déstabiliser l’Afrique, c’est déstabiliser les ACP. »
- La nécessité de ne pas avoir peur de prendre des mesures énergiques et fermes.
- Malgré les moyens et pouvoirs limités des ambassadeurs du groupe des Etats ACP, des contacts utiles sont susceptibles d’être envisagés.
L’intervention des ambassadeurs des pays ACP était parfois ponctuée de proverbes ou dictons qui font réfléchir.
« Ce n’est pas du chien qu’il faut avoir peur, mais de son maître. »
« Il n’y a pas de fumée sans feu. »
« Le silence est complice. »
En conclusion, le Président du groupe des ambassadeurs ACP saluera encore une fois le courage des femmes congolaises, il condamnera cette violence dont les premières victimes sont les civils, il appellera toutes les parties à une attitude qui soit dans l’intérêt des populations. Enfin il prendra des contacts avec l’Union Européenne pour une aide humanitaire d’urgence afin de soulager la souffrance de la population, même si indépendamment, l’Union Européenne y pense déjà.
Ci-dessous le mémorandum femmes congolaises de Belgique ainsi que la déclaration des chefs d’Etat africains, sur la guerre de Nkundabatware.
Cheik FITA
Bruxelles, le 31 octobre 2008
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MÉMORANDUM AU GROUPE DES ETATS D’AFRIQUE, DES CARAÏBES ET DU PACIFIQUE
Excellences,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
La RDC en tant que membre de l’Union africaine et du Groupe des Etats ACP, est aujourd’hui victime d’une guerre qui lui est injustement imposée, et qui dure depuis plus de 10 ans dans l’indifférence de tous.
La dégradation de la situation à l’Est du Congo, depuis ces dernières 24 heures, est préoccupante. Voilà pourquoi, nous les femmes congolaises, réunies en collectif, en communion avec celles qui sont au Congo, premières victimes de cette guerre, nous nous levons et dénonçons cette guerre à l’Est du Congo.
Nous demandons à l’Union africaine et aux Etats ACP de :
1. reconnaître que le Congo est agressé.
2. Désigner, dénoncer et condamner l’agresseur.
3. Envoyer une force d’interposition africaine.
4. Dénoncer l’immobilisme et la passivité de la Monuc.
5. Interpeller le gouvernement congolais quant à sa politique de défense, de sécurité et de protection des personnes et des biens.
Nous citons une population livrée à elle-même (viols, violences, déportations, …) ;
Nous citons la porosité organisée des frontières ;
Nous citons l’impunité des agresseurs (femicide)
En considération de tout ce qui précède, nous demandons l’arrêt immédiat de cette guerre et de la poursuite en justice des agresseurs.
Nous demandons également une aide humanitaire d’urgence et de prendre attache avec le partenaire européen pour arrêter ce conflit destructeur.
Nous vous confions, Excellences, mesdames et messieurs les Ambassadeurs, la délicate tâche d’être nos porte-parole auprès de vos Chefs d’Etats respectifs, que nous sommes prêtes à rencontrer afin de leur soumettre notre mémorandum.
Fait à Bruxelles, le 30 octobre 2008
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Déclaration des Chefs d'Etat africains réunis au forum mondial du développement durable sur la situation en RDC
Réunis le 29 octobre à Brazzaville dans le cadre du 6ème Forum mondial du développement durable, les Chefs d’Etat africains et le Prix Nobel de la paix et ambassadrice itinérante du Bassin du Congo, Mme Wangari Maathai ont adopté une déclaration sur la situation prévalant à l'est de la République démocratique du Congo (RDC) dont voici la teneur.

Vivement préoccupés par la détérioration de la situation à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) ;
Considérant que ce pays est partie intégrante du Bassin du Congo et que la poursuite de la guerre dans cette région représente une grave menace à la préservation des écosystèmes forestiers ;
Conscients que les conflits armés constituent un obstacle au développement durable ;
Condamnons la violation de l’accord de Goma du 23 janvier 2008, signé par les parties en conflit et le recours à la force comme moyen de règlement des différents politiques ;
Demandons la cessation des hostilités et l’application de l’accord de Goma ;
Exprimons notre profonde solidarité à l’égard du gouvernement et du peuple de la RDC ;
Invitons la communauté internationale, notamment à travers la MONUC, à aider le gouvernement de la RD à ramener la paix sur l’ensemble de son territoire et à protéger les populations civiles et apporter à celles-ci, une aide humanitaire d’urgence ;
Encourageons toute initiative de paix visant la résolution pacifique de ce conflit et invitons le président en exercice et les pays membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, signataires du pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs, à s’investir pleinement dans la recherche d’une solution durable à cette crise ;
Exprimons notre disponibilité à contribuer à tout effort visant le développement de la paix, de la sécurité et de la stabilité en République démocratique du Congo.
Fait à Brazzaville le 29 octobre 2008"