L’artiste congolais Werrason et son groupe devaient se produire le samedi 5 mars 2011 dans la salle Concert Noble de Bruxelles, au 84, rue d’Arlon.
Accusé d'avoir soutenu monsieur Kabila en 2006, les patriotes de Belgique ne lui ont
jamais pardonné cela. Quand on pense que le bruxellois Armand Tungulu a été tué entre les mains de la garde préidentielle et que l'AMP a modifié unilatéralement la constitution pour
faciliter la reélection de monsieur Kabila tout en lui donnant plus de pouvoirs, les Congolais de Belgique pouvaient difficilement supporter à Bruxelles, un baroud d'honneur d'un chantre du
kabilisme. D'où, mobilisation.
Que s'est-il passé?
Voici le film de la soirée.
Nous arrivons sur les lieux du concert vers 19h30.
Premier constat : la rue d’Arlon est bouclée par la police du côté de la rue Belliard ainsi que du côté de la rue Jacques de Lalaing .
Nous demandons l’autorisation de passer : niet. Il faut être en possession d’un billet.
Trente minutes après, les organisateurs sortent de la salle et se dirigent vers la place Luxembourg où la police leur demande d’aller vendre les billets d’entrée.
Ils promettent des billets gratuits aux journalistes venus couvrir la manifestation.
Au fur et à mesure que les manifestants arrivent, ils se positionnent aux deux intersections de la rue Arlon, alors que les policiers eux sont plus à l’intérieur, en face de la salle « Concert Noble ». Barrière, barbelés.
Conséquence de ce positionnement : les manifestants empêchent où découragent les éventuels spectateurs.
Sans compter que l’extraordinaire déploiement des forces de police ne crée pas une atmosphère invitant à l’amusement et à la fête.
Vers 22h00, il y a déjà près d’une centaine de manifestants.
Nous nous dirigeons vers l’autre bout de la rue d’Arlon : là aussi plusieurs manifestants sont là. De véritables check-points fonctionnent. Les manifestants s’assurent que les passants ne viennent pas pour le concert. Un des musiciens de Werra, son batteur arrive accompagné de quelques fans. Il est reconnu. On le prie gentiment de rebrousser chemin. Quelques éclats de voix, finalement, l’artiste obtempère, malgré lui.
Vers 22h15 se produit un mouvement des agents de l’ordre. Des policiers anti-émeute viennent se positionner face aux manifestants et les repoussent progressivement de l’autre côté de la rue D'Arlon, direction rue de la Loi.
la circulation des véhiculent sur la rue Jacques de Lalaing est rétabie.
Des policiers en civil vont se positionner au coin Trêves-Jacques de Lalaing alors qu’entre Arlon et Trèves, des policiers avec leurs chiens policiers veillent.
Un policier nous demande d’aller rejoindre les manifestants là où ils sont coincés.
Notre réponse :
« Il y a deux événements ici : le concert et les manifestants anti-concert, je dois couvrir les deux »
Le policier nous laisse alors tranquille.
Subitement, un cortège de trois voitures vient à toute allure de la rue de Trêves. Celle qui est en tête, gyrophare allumée, s’arrête au croisement Arlon et de Lalaing. Les deux voitures qui suivaient se dirigent vers la salle de spectacle.
Vraisemblablement, l’artiste Werra devait être dans une de ces deux voitures banalisées.
Tout aussi rapidement, la police ouvre la barrière, laisse passer les deux voitures et referme la barrière. Deux minutes après, la ceinture policière face aux manifestants est rompue.
Durant toute la soirée la police jouera aux équilibristes.
Le sens de son comportement ? Dans cette phrase qu’un inspecteur de police lancera à un manifestant :
« Nous sommes dans un pays de droit. L’artiste a le droit de s’exprimer, de jouer, vous avez aussi le droit de manifester. » Sous-entendu : « Nous protégeons les uns et les autres. »
C’est au moment où nous quittons le côté Jacques de Lalaing afin de nous diriger vers Belliard que d’où nous venions, un incident arrive.
Alors que les artistes de Werra tentent de passer, ils sont empêchés par les manifestants. La police somme les manifestants de libérer le passage. Sommation, refus d’obtempérer et c’est l’arrosage à l’autopompe. Ce qui provoque la colère des manifestants qui déversent leur bile sur les vitres des environs. Des poubelles sont même déversées sur la chaussée.
Marie-Claire, une manifestante est blessé, apparemment, une épaule déboîtée et une jambe cassée. Cause: la forte pression de l'eau de la police suivie d'une glissade. Elle sera évacuée par ambulance.
Notre confrère Cyprien Wetshi est bousculé dans la foulée, par un policier. Il tombe et sa caméra endommagée.
Cet incident radicalisera la position des manifestants. Les rares spectateurs qui se pointeront sont découragés. La police repoussera alors les pro-Werra ainsi que certains manifestants sur la rue des Trêves jusqu’au delà de Belliard.
Dans l’entretemps, décision sera prise d’annuler le concert.
A 2h30 du matin ce dimanche 6 mars 2011, quand nous quittons les lieux, les manifestants étaient toujours là, chantant et dansant. Oui, la chanson et le spectacle n’étaient pas dans la salle, mais dans la rue… Et assurés par des chanteurs improvisés !
Cheik FITA
Bruxelles, le 6 mars 2011