Excellence, Monsieur le ministre,
La situation actuelle en RDC nous inquiète au plus haut point. Après les élections présidentielles et législatives qui ont eu lieu dans notre pays, le 28 novembre 2011 et qui ont donné des résultats fortement contestés, occasionnant des dizaines de morts et des centaines de blessées, le risque est grand de voir la République Démocratique du Congo sombrer dans une crise postélectorale sans précédent, avec des conséquences humaines et politiques désastreuses.
Près de 52 ans après notre indépendance née de la volonté d’un petit groupe de congolais, dont beaucoup s’en sont allés, ensevelis sous nos terres avec l’espoir que notre pays allait décoller et être l'icône du continent Africain, nous assistons sans moyens de défense à l’ancrage d’une grande dictature.
Les pères de notre autonomie étaient mus par plusieurs ambitions dont : L'indépendance du Congo, son développement multisectoriel ; la restauration des libertés individuelles et collectives par un Etat de droit démocratique, bâti sur le socle de l’indépendance nationale, chèrement acquise dans le respect de l’intégrité territoriale ; la pacification et réunification de la République en assurant la réconciliation du congolais avec son histoire, ce faisant la réconciliation du congolais avec lui-même ; la transformation de la société en vue d’instaurer une justice sociale plus grande entre tous les citoyens congolais, garantie par un Etat impartial engagé contre toute forme de discrimination.
Tel est le fait historique qui caractérise l'accession de notre pays à sa souveraineté nationale calquée sur le principe de la démocratie libérale telle qu’elle fonctionne actuellement en Europe et dans les nations dites libres. Cependant, les principes et coutumes démocratiques tels qu’ils se sont exprimés et appliqués dans les pays occidentaux ont de sérieuses difficultés à s’implanter dans beaucoup d’Etats africains.
Qu’y a t il de si différents dans la démarche africaine qui étouffe l’éclosion d’une véritable démocratie et entraîne par contre des nombreuses violations des droits de l’homme et empêche l’essor et le développement socio-économique au tiers monde et particulièrement en Afrique.
Aujourd’hui, après tant des péripéties heureuses mais parfois malheureuses, la RDC s’affirme toujours comme l'un des pays le plus pauvre de la planète. La RDC est à la croisée des chemins ; après les élections de 2006 et de 2011, la population avait cru en une 3ème République qui sonnait le glas des différents régimes caractérisés par l’arbitraire et la dictature.
Force est de constater qu’à ce jour la situation s’est dégradée à tel point que la population a l’impression que les tenants du pouvoir actuel sont tombés dans les mêmes travers que ceux d’après l’indépendance et de ceux qui ont géré la 2ème République sous Mobutu et l’AFDL sous Laurent Désiré KABILA.
De la même manière que la conférence nationale souveraine de 1991, le Dialogue Inter Congolais qui avait amené toutes les parties en conflit à aplanir leurs différents en privilégiant le processus de réconciliation n’est aujourd’hui qu’un vieux souvenir ; d’autant plus que les mêmes causes qu’avaient engendrées ces guerres reviennent à la surface.
L’exclusion, le népotisme, le clientélisme, la corruption, l’intolérance, la gabegie financière et toutes les autres antivaleurs sont érigés en mode de gestion. La complaisance des plus hautes autorités à l’égard de toutes ces personnes en délicatesse avec les lois du pays n’a fait que consacrer l’impunité. L’instrumentalisation de la justice par le pouvoir actuel est une preuve éloquente de cette dérive.
Sur le plan économique : Tous les indicateurs économiques sont au rouge (924,7547Fc pour 1 USD). Le chômage atteint plus 85 % de la population active. L’Etat congolais évolue avec un déficit budgétaire de plusieurs milliards de francs congolais. Sur le plan politique: On note la mise hors-jeu des acteurs majeurs de l’Opposition tels que Jean Pierre BEMBA GOMBO, qui avait obtenu 42% au second tour des élections présidentielles en 2006 et au vol de la victoire d’Etienne TSHISEKEDI qui a eu plus des voix lors du scrutin électoral de novembre 2011.
Les signes précurseurs d’une dérive totalitaire sont monnaie courante sur toute l’étendue du territoire. Sur le plan sécuritaire : L’insécurité fait craindre les populations ainsi que la communauté internationale. Plus de 110 000 déplacés au nord du pays. Les congolais sont expulsés des pays frontaliers dans des conditions infrahumaines après avoir été victimes de violences, viol et confiscations de leurs biens sans que les autorités congolaises compétentes ne réagissent.
Sur le plan social : c’est la poudre aux yeux, Les gouvernants actuels qui avaient axés leurs compagnes électorales en 2006 sur un vaste programme d’aménagement et de restructuration du pays dénommé, les 5 chantiers continuent à flouer la population avec des promesses grandioses alors que le quotidien des congolais demeure misérable.
Pour rappel les 5 chantiers sont : l'eau et l'électricité, l'éducation, la santé, l'emploi et les infrastructures. La réalité sur terrain montre que les conditions de vie de la population sont de plus en plus difficiles. La modicité et le détournement des salaires des fonctionnaires et agents de l’Etat, n’ont fait qu’amplifier la grogne sociale, qui atteint tous les secteurs de la vie nationale.
L’incapacité d’assurer la desserte en eau potable et en électricité à la population, malgré les potentialités énergétiques dont dispose le Congo est tout simplement scandaleuse. En 1990, le taux de desserte avait atteint voire dépassé 70 % de la population urbaine. En fin 2008, le taux de couverture est tombé à 35 % en zone urbaine, soit 7,3 millions sur 21 millions de résidents dans les villes et agglomérations urbaines. Actuellement, la situation s’est empirée. [ADG/REGIDESO, 26 novembre 2008, déclaration faite au Sénat de la République] « L’abondance des ressources en eau en RDC contraste avec le faible accès en disponibilité en eau potable. Les statistiques disponibles font ressortir qu’environ 22,0 % (12,0 % en milieu rural et 37,0 % en milieu urbain) de la population ont accès à l’eau potable. » [RDC, DSCRP, Juillet 2006, p.40]
Malgré ses atouts, les centrales d’Inga ne produisent ensemble que 40,0 % de leur capacité. Une bonne partie de cette production est destinée à l’exportation, laissant ainsi la demande locale totalement insatisfaite. Cette situation fait que le taux d’accès des populations à l’électricité est de 1,0 % en milieu rural ; 30,0 % pour les villes et 6,0 % sur le plan national alors que la moyenne en Afrique subsaharienne est de 24,6 %. » [RDC, DSCRP, Juillet 2006, p.36]
La quasi-inexistence de services publics tels que le transport en commun vient aggraver la souffrance de cette même population. La malnutrition a atteint la plupart des villes et villages. Au niveau de l’éducation, aucune réforme n'a été enregistrée quant à l'amélioration de la qualité de l'enseignement, ni des conditions des enseignants.
« Le taux brut de scolarisation dans le primaire a connu une forte régression, soit 92 % en 1972 à 64 % en 2002. Dans le secondaire, elle est estimée à 29 % en 2001/2002 contre 26 % entre 1977-1978 ». [RDC, DSCRP, Juillet 2006, p.37]
Quand à la santé, la situation est plus que catastrophique. Les enquêtes rétrospectives sur la mortalité ont révélé qu’environ 126 enfants sur 1000 meurent avant l’âge d’un an et 213 sur 1000 meurent avant l’âge de cinq ans.
De la lutte contre l’impunité et le dysfonctionnement de l’appareil judiciaire : La Démocratie ne peut se faire sans la Justice, c’est le Fondement d’un Etat de Droit, et pourtant cette Justice est complètement corrompue à telle enseigne que les jugements sont distribués à la tête du client. Le trafic d’influence et l’ingérence dans les dires du Droit, viennent davantage affaiblir l’appareil judiciaire, le rendant inopérant. La corruption, les détournements des deniers publics, l’enrichissement sans cause sont érigés en mode de gestion, et ceci malgré les différents rapports parlementaires, et des organismes internationaux.
Sur le plan de liberté: Bien que la Constitution de la République garantit aux congolais la jouissance des libertés fondamentales ; l’espace de liberté tend à être restreint par les pouvoirs publiques qui veulent imposer la pensée unique, celle des tenants du pouvoir. Les revendications sont réprimées dans le sang ; les événements du 22 et 23 mars 2007, les épisodes Bundu dia Kongo, arrestations des opposants, intimidations pour ne citer que ceux-là sont le lot des tares de ce gouvernement. Et récemment, lors des manifestations à Kinshasa pour réclamer l’accès à l’opposition au serveur central de la CENI, et lors du scrutin présidentiel et législatif, des congolais sont morts sous les balles du régime Kabila et ceci dans l’intention d’instaurer un climat de peur auprès de nos populations.
Le président de l’UDPS, monsieur Etienne TSHISEKEDI se retrouve à ce jour en situation de privation partielle de liberté car ses mouvements sont limités et contrôlés par les forces de l’ordre en violation flagrante du principe des droits de l’homme et de la constitution congolaise qui reconnaissent à chaque citoyen congolais la jouissance de son droit à la libre circulation.
Déjà, en juillet 2009 à Bruxelles l'Ong internationale de défense des droits de l'homme, FIDH. « La Fédération internationale des Droits de l'Homme (FIDH) dénonçait, la « dérive autoritaire du régime » du président congolais Joseph Kabila, accusant le pouvoir de Kinshasa de mener une « politique systématique du harcèlement des voix dissidentes ». « Ceux qui osent s'élever (contre le régime et ses pratiques) et contester sont systématiquement visés par le pouvoir en place », a souligné au cours d'une conférence de presse à Bruxelles le président de la ligue belge francophone des droits de l'Homme, Benoît Van Der Meersche.
En outre, Le Groupe de la Banque Africaine de Développement, dans sa publication 2009 sur les Perspectives économiques en Afrique, reprend un classement opéré par Freedom House en rapport avec les droits politiques et les libertés civiles en Afrique. Le statut de la R.D.C, notre cher et beau pays, est simplement celui d’un « pays non libre ».
Excellence, monsieur, le Ministre votre voyage en République Démocratique du Congo vient renforcer le sentiment profond partagé par la diaspora congolaise ainsi que les partis politiques d’opposition, que le fiasco électoral organisé en RDC bénéficie d'une tolérance de la communauté internationale, prédatrice du Congo, vu comme un grand échiquier sur lequel se joue une véritable guerre économique, plus que nébuleuse, mêlant intérêts politiques et stratégiques.
Monsieur le Ministre, la République Démocratique du Congo, notre cher et beau pays est simplement un « pays non libre ».
Avec l’assurance que ces arguments rencontreront votre volonté de défendre en toute occasion l’intérêt de la démocratie et de la justice, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en mes salutations les plus cordiales.
Pour la représentation MLC Benelux
M.MBUNGANI Mbanda Jean-Jacques
Secrétaire National Adjoint MLC Extérieur
Bruxelles, le 23 mars 2012
A Son excellence monsieur Didier Reynders,
Ministre des Affaires Etrangères Belges
Rue des Petites Carmes, 15
B-1000 Bruxelles
Copie à :
- A Monsieur Thomas Luhaka
Secrétaire Général du M.L.C
- Au sénateur Ramazani Baya
- A l’honorable Eve Bazaiba
Secrétaires Nationaux MLC
Tous à Kinshasa Gombe.
N / référence : M.L.C Benelux /jjm/120323/01