Au moment où à Bukavu se clôture en fanfare la marche mondiale de la femme, avec des déclarations tapageuses, à Bruxelles, huit mille kilomètres plus loin, une autre femme congolaise comme ses consoeurs de l'Est de la République, souffre dans son cœur et dans sa chair :
La veuve d’Armand Tungulu, née Nzomina Maloka. Le pouvoir politique lui a privé à tout jamais de son mari. Plus, de la possibilité jusqu’à ce jour de faire son deuil, faute de corps.
Ainsi, le mardi 19 octobre 2010 de 11h00 à 12h15, entourée de son avocat et de deux membres du comité de soutien à la famille d’Armand Tungulu, madame Armand Tungulu était devant la presse, à la « résidence palace » de Bruxelles, pour faire le point sur la désormais affaire « Armand Tungulu-Etat congolais ».
Yeux gonflés par des pleurs incessants, regard très triste, mais calme et courageuse, madame Tungulu attend patiemment son tour de parole.
Alhongo Wilkens, juriste et membre du comité de soutien à la famille a été le premier à prendre la parole.
Après avoir remercié les participants, il donne la raison de la rencontre : faire le point sur l’affaire. Une brève biographie d’Armand suit.
Deuxième oratrice, l’épouse. Exténuée, elle est presque laconique. Que n’a-t-elle pas encore dit ? Que doit-elle dire encore ? Elle veut le corps de son mari.
Et elle ici, et la famille à Kinshasa, ils ont un seul langage. Cette demande n’est-elle pas claire ?
Est-ce trop demander ?
Troisième orateur : Henry Muke.
Discours enflammé. Il parle au nom des combattants, de ce qu’ils pensent de cette affaire, de leurs convictions quant aux causes, commanditaires et exécutants de la mort d’Armand Tungulu, des devoirs de tout citoyen face à un pouvoir qui fonctionne en violation des dispositions de la constitution.
Le geste d’Armand s’est inscrit dans cette logique de résistance.
Suit alors une longue diatribe contre le régime de Kinshasa : pillage, viols, Taganda, accointances avec le Rwanda, Bundu Dia Kongo, Chebeya et son chauffeur… Et en passant, allusion est faite à une phrase d' un article écrit sur Armand par notre consœur belge Colette Braeckman et qui a estomaqué les congolais, nous citons : «Au vu de cette nouvelle mort, hélas non suspecte, on ne peut qu’avancer trois conclusions… ne pas craindre de tuer, plus pour l’exemple et la dissuasion que par goût de la répression…».
Viennent alors à la trappe: la thèse officielle du suicide, les propos du ministre Lambert Mende... Tout cela est taillé en pièces en deux temps trois mouvements…
Et en conclusion Henry Muke dit:
« Nous réclamons tout simplement le corps de notre frère. Rendez à Maman Philo le corps de son mari, et à ses enfants le corps de leur papa. »
L’avocat de la famille, Me Jean-Claude Ndjakani clôture les interventions. Tout en stigmatisant le cafouillage communicationnel de Kinshasa, il donne les éléments liés à la procédure, ce qui a été fait, les conditions de recevabilité.
Une plainte a été déposé au pénal. A propos de l’identité d’Armand il dit : « Quand on reçoit quelqu’un dans un commissariat de police, que fait-on ?
On l’identifie. »
Si cette question d’identité se pose aujourd’hui, c’est pour d’autres raisons.
En mille phrases comme en une, il atterrit : On veut le corps d’Armand Tungulu.
La veuve et les enfants le réclament.
Cheik FITA
Bruxelles, le 20 octobre 2010