L’artiste musicien congolais Werrason devait se produire dans la salle Concert Noble de Bruxelles le samedi 5 mars 2011 à partir de 20h00. Après un long bras de fer entre les manifestants ? patriotes congolais de Belgique et les organisateurs et la police, vers 1h00, la police annoncera finalement que le concert était annulé.
Pourquoi cette annulation ? Et comment la police en est-elle arrivée à prendre cette lourde décision ?
Nous vous proposons un court vidéo de ce qui est arrivé dans la nuit du 6 au 6 mars 2011.
L’article complet vous sera diffusé dans quelques heures, le temps de visionner toutes les vidéos filmées.
Mais pour remonter à la racine du problème, nous vous recommandons l’ article : « MUSICIENS CONGOLAIS EN EUROPE, LA DESCENTE AUX ENFERS? »que nous avions écrit et publié en décembre 2006, peu après les élections de 2006.
Beaucoup d’artistes musiciens congolais s’étaient politiquement colorés sans état d’âme. Et les mésaventures de Werrason aujourd’hui sont en fait la conséquences d’un compartement d’i y a bientôt cinq ans.
Cheik FITA
Bruxelles, le 6 mars 2011
MUSICIENS CONGOLAIS EN EUROPE : LA DESCENTE AUX ENFERS?
Le processus électoral qui s’achève progressivement au Congo a fait des heureux. Mais il commence aussi à faire des victimes inattendues : Les musiciens congolais ! Leurs passages et leurs prestations sur le vieux continent ne sont plus ce qu’ils étaient. Pire, il est même devenu très risqué à certaines de nos vedettes de la chanson d’arpenter librement les rues d’Europe. Les cas ne cessent de se multiplier. Il convient de tirer la sonnette d’alarme et trouver une solution. |
Quel est le problème ? Il circule en Europe depuis quelques temps les clips vidéo de la campagne présidentielle avec en tête d’affiche un grand nombre d’artistes congolais de renom. La vue de ces images provoque chez la plupart des congolais vivant à l’étranger une véritable crise de nerfs. Menaces et malédictions fusent facilement. Des postes téléviseurs ont même failli être cassés. Pourquoi ? La plupart des musiciens congolais ont chanté pour le candidat de la plate-forme politique AMP. Au-delà des textes débités souvent très plats, ces clips ont hélas versé dans le culte de la personnalité. Phénomène avec lequel les Congolais avaient rompu depuis le 24 avril 1990 dans la vague de la perestroïka, et dont des lambeaux ne subsistent plus que dans quelques Etats totalitaires à compter sur les bouts des doigts. Malheureusement aussi pour nos musiciens, dans les villes européennes où vivent les Congolais, l’AMP et tout ce qui s’y rapproche sont très décriés. Conséquence, de moins en moins de producteurs osent risquer leur argent pour produire ces musiciens « militants. » Nos musiciens avaient-ils mesuré la portée de leur alignement politique ? Etaient-ils suffisamment informés du niveau d’engagement politique et de patriotisme des congolais vivant à l’étranger ? N’avaient-ils pas remarqué que depuis la transition post-Sun City, en Europe et en Amérique, les Congolais descendaient régulièrement par centaines voir par milliers dans les rues contre les animateurs du système en place, et plus particulièrement contre son numéro un ? Avec les contraintes de gestion du temps, ces milliers de congolaises et congolais de tout âge, qui manifestent en Occident, sacrifiant leurs « jobs » ou s’absentant du boulot, et souvent venant de très loin par train, cars ou avion, le faisaient-ils par plaisanterie ou par conviction ? Les musiciens congolais ne pouvaient-ils pas s’imaginer que ces milliers des congolaises et congolais étaient ceux qui venaient les applaudire dans différentes salles, par amour pour la musique bien sûr, par nostalgie du pays et par amour de celui-ci aussi ? Ne savaient-ils pas que les Congolaises et Congolais vivant à l’étranger évoluaient dans des pays démocratiques où il n’y avait pas de tabou sur l’information, pas de censure, où régnait la liberté de pensée et où avant d’adhérer à une idéologie ou un courant politique, chaque personne prenait le temps de s’informer, d’analyser, de juger, de discuter ? Et si finalement les Congolais de l’étranger étaient dans leur très grande majorité contre le candidat de l ‘AMP, était-ce par un coup de tête ou par conviction ? Comment ces musiciens congolais « militants » vont-ils désormais gérer leur carrière quand on sait que leur consécration passe nécessairement par des productions et en Europe et à Kinshasa ? Les mélomanes kinois étant friands des clips réalisés en Europe, aux USA ou au Canada, comment les musiciens feront-ils rêver leurs fans ? Avec des images montrant les bâtiments délabrés du Congo ou les routes défoncées ainsi que les montagnes de détritus de Kinshasa ? Pour compliquer les choses, même à Kinshasa, malgré le matraquage médiatique, les musiciens ont-ils réussi à inverser la vision politique des kinois ? Ne se sont-ils pas ainsi aliéné un bon nombre de fanatiques, en ne faisant pas la part de choses entre l’opinion politique et le goût musical ? Cupidité ? Naïveté ? Pression ? Pourtant les musiciens congolais savent à quel point une prestation à Bruxelles, Paris, New York, Atlanta, Montréal ou Londres, est une voie obligée pour la consécration. Depuis l’indépendance, une tournée en Europe a souvent été synonyme de retombées financières juteuses, de succès, et surtout de statut de véritable star lors du retour au bled. Il est vrai, dans l’histoire de tous les peuples du monde, il arrive que les artistes, les intellectuels et les leaders d’opinion prennent position politique claire, pour ou contre un dirigeant, un candidat. Hélas, c’est tellement délicat que pour un petit rien dans le jugement ou l’appréciation vous êtes soit précipités dans l’abîme, soit propulsés au firmament de la gloire. Et le meilleur guide dans ce cas est le feeling, la conviction. Le plus grand atout dans ce cas, c’est une véritable complicité entre l’artiste et son public. Si la chanson « indépendance cha-cha », inséparable de l’accession de notre pays à l’indépendance est toujours appréciée, n’est-ce pas parce que, à l’époque, les artistes avaient véritablement communié avec les aspirations profondes du peuple à savoir : bouter le colonisateur belge dehors ? Cela a-t-il été le cas pour nos musiciens ? Ont-ils presté par conviction ? Etaient-ils vraiment en phase avec les aspirations profondes de la population pour aujourd’hui et les années à venir ? Avaient-ils cédé ou pas à la tentation du lucre, en faisant fi de tout idéal ? Les musiciens congolais ont-ils suffisamment pesé le pour et le contre de leur engagement face au jugement de l’histoire, qui est souvent très sévère ? La postérité retiendra-t- elle la série des chansons composées par nos musiciens à la gloire du candidat de l’AMP ? Ou ces œuvres rejoindront- elles dans la poubelle de l’histoire, la version « Parti-Etat » du « Djalelo » ? La série des concerts annulés, les fiascos auxquels on assiste ces jours-ci en Europe, les conférences de presse à la sauvette des uns, le passage en Europe sur la pointe des pieds des autres, est-ce momentané, ou le signe d’un avenir sombre ? Souvent, face à la remarque de cupidité, nos musiciens ne répondent-ils pas : « Musicien aza lokola mwasi ya ndumba » ! (Le musicien est comme une prostituée. ». « Mwasi ya ndumba », prostituée, est-ce une vertu ou une antivaleur ? Devant à un enjeu aussi important que le choix de ceux qui doivent prendre en main la destinée de toute une Nation, était-il prudent de recourir aux antivaleurs ? Déjà que nos musiciens traînent aux pieds bien d’autres casseroles : absence de ponctualité lors des concerts, duplicité dans les engagements, non-respect de la parole, voire de la signature, m’as-tuvisme déplacé, gestion archaïque de leurs groupes, mœurs à la limite de l’acceptable … En conclusion, est-il possible de revoir de si tôt nos musiciens dans les grandes salles mythiques de Paris, Bruxelles ou Londres ? Est-il possible que nos musiciens s’échappent rapidement du purgatoire dans lequel ils se retrouvent ainsi ? Oui, à certaines conditions : Qu’ils fassent des états généraux de la musique congolaise. Maintenant que les portes du « pouvoir » leur sont grandes ouvertes, le financement de ces états généraux devrait-il poser problème ? Que sans complaisance, ils analysent ce qu’aura été l’impact et les conséquences de leur implication dans la politique politicienne. Qu’ils redéfinissent leur place dans la société ! Par la cupidité des certains, n’ont-ils pas été les artisans du tristement célèbre phénomène « NGULU ? » Qu’ils se battent pour le financement et la promotion de la musique dans un cadre officiel et légal ! C’est un droit et non une faveur. Qu’ils dynamisent l’UMUCO et les autres organisations corporatives en prenant soin d’y inclure un volet éthique, surtout vis-à-vis de leur influence sur les jeunes et les mineurs. Qu’ils trouvent les voies et moyens pour se réconcilier avec le public en s’amendant au moins ! Errare humanum est, dixit, Zaiko Langa-langa des années 70 ! Qui dit mieux ? Qu’ils trouvent les moyens de mettre fin à l’étiquette « BMW » (Beer, music and wife) que certains voisins ont trouvé gentil de coller aux congolais. Eux les musiciens n’en ont-ils pas été les plus grands vecteurs ? Faute de quoi, après le purgatoire actuel, n’assisterons- nous pas à une véritable descente aux enfers pour certains ?¦ Cheik FITA Bruxelles, le 16 décembre 2006 |