Emmanuel Shadari, 58 ans, Secrétaire Général du PPRD vient d'être désigné comme dauphin de Joseph Kabila pour la présidentielle de décembre 2018.
La date du 08.08.18 aura finalement eu raison de Joseph Kabila en l'obligeant de se prononcer et de répondre à la question suivante :
- Candidat ou pas candidat ? Dauphin ou pas dauphin ?
Emmanuel Shadari sera le dauphin de Joseph Kabila.
Pour la première fois, Joseph Kabila a été incapable de rebondir, de rouler l’opposition dans la farine.
Cette désignation a un mérite : il n’y aura pas d’affrontement entre Congolais.
Il faut mettre cela au crédit de Joseph Kabila.
Avoir été obligé à trancher est un véritable revers pour Joseph Kabila.
Depuis le 08.08.18, une nouvelle ère a commencé durant laquelle les leviers du pouvoir en RD Congo s’éloigneront de Joseph Kabila, et il assistera impuissant à cet éloignement progressif et irréversible.
17 ans de pouvoir, pas 32 ans.
Il aurait bien aimé égaler le record de son prédécesseur et modèle, le Maréchal Mobutu : régner durant au moins 32 ans à la tête de la RD Congo. Le temps en a décidé autrement.
Dans cinq mois, Joseph Kabila devra quitter le pouvoir. Le compte à rebours est lancé.
La veille du jour fatidique, peut-être pour se donner l’illusion d’avoir toujours l’effectivité du pouvoir, Joseph Kabila a fait de la musculation en intronisant des dizaines de généraux et autres officiers supérieurs de l’armée. Rien n’y fera car, l’armée reste républicaine et n’appartient pas à un individu, fut-il Chef de l’Etat. Une fois le chef hors du pouvoir, ces militaires obéiront au nouvel élu. Certes, Joseph Kabila souhaite que son successeur soit le dauphin Ramazani Shadari.
L’aventure de Joseph Kabila à la tête de l’état congolais qui avait commencé en janvier 2001 tire désormais vers sa fin.
►Au dialogue inter-congolais, même sans avoir été présent, Joseph Kabila avait été reconduit à la tête du pays. Première victoire, un mandat de 3 ans jusque 2005.
►En 2005, devant l’impossibilité d’organiser les élections, la CEI, Commission Electorale Indépendante congolaise de l’époque avait prolongé la transition de deux fois six mois.
►2006, élections et première victoire électorale de Joseph Kabila face à Jean-Pierre Bemba qui dira à propos des résultats : « J’ai accepté l’inacceptable ». Quel était cet inacceptable ?
►2011, deuxième élection présidentielle. Dix mois avant le scrutin, grâce à sa majorité mécanique, Joseph modifie la constitution, ramenant la présidentielle à un tour.
Grâce au bourrage d’urnes et à la falsification des chiffres, Joseph Kabila arrache un deuxieme et dernier mandat électif face à Etienne Tshisekedi. L’UDPS n’ayant pas pris les précautions pour qu’on ne lui vole pas ses élections, n’avait plus que ses yeux pour pleurer. Ironie de l’histoire, le corps d’Etienne Tshisekedi le Président réellement élu traîne jusqu’à ce jour dans un funérarium de Bruxelles à cause de cette imposture.
► 2016. décembre, Joseph Kabila arrache un dialogue avec l’opposition. Un accord est signé à la Saint Sylvestre. Joseph Kabila obtient un glissement qui lui permet de rester une année encore à la tête de la RD Congo.
► Mais au mépris de la signature de ses délégués, profitant surtout de la mort d’Etienne Tshisekedi, Joseph Kabila débauche quelques proches d’Étienne Tshisekedi, dont son médecin, un secrétaire Général-adjoint du parti. Joseph Kabila fait re-écrire l’accord de la Saint Sylvestre en le taillant à sa mesure. Sans effort, il parvient à faire repousser les élections fin 2018. il gagne ainsi une nouvelle année de présence à la tête de la RD Congo.
► Mais en 2018, de moins en moins de choses lui réussissent. L’arrivée sur la scène politique du CLC, Comité Laïc de coordination qui le déstabilise quelque peu.
La CENI qui a facilité le deuxième glissement est bien obligée de s’occuper de sa tâche première : organiser les élections. Son calendrier est bétonné. Et dans ce calendrier, pratiquement toutes les dates deviennent intangibles :
- La convocation du corps électoral,
- Le dépôt des candidatures pour les provinciales,
- Le dépôt des candidatures pour la présidentielle et les législatives nationales. Et la période de dépôt a une date butoir : le 08.08.18 ! Joseph Kabila est alors pris au piège. Durant des mois il entretient le flou avec des phrases du genre : « La constitution sera respectée ». ses affidés essaieront maladroitement de faire croire que le deuxième mandat de Kabila est en fait un premier à un tour, sans succès. Le verrou constitutionnel obligeant le Président a dégager après deux mandat tenait toujours.
C’est la mort dans l’âme que Joseph Kabila se rendra à l’évidence : il faut désigner un dauphin ou forcer une candidature quitte à mettre le feu au pays.
Désigner un dauphin sous-entend quitter le pouvoir, chercher où aller se planquer afin d’éviter la colère du peuple congolais qui voudra faire payer au Raïs son outrecuidance d’avoir régné sur le pays au delà du mandat constitutionnel.
Quitter le pouvoir voudrait dire rendre des comptes à la justice internationale pour ce que tout le monde sait.
Quitter le pouvoir veut dire rendre compte au peuple congolais du grand pactole amassé durant dix-sept ans lui et sa fratrie.
A partir du 08.08.18, Joseph Kabila sera de moins en moins le maître du temps en RD Congo. Le peuple congolais tout entier a commencé à s’investir dans le processus électoral, à se l’approprier. Une grande dynamique que le Président sortant ne peut plus qu’observer comme tout le monde.
Dans cette dynamique, le « dauphin » de Joseph Kabila aura-t-il les épaules assez larges pour assumer tout le passif nauséabond de Joseph Kabila ?
Quel discours tiendra-t-il ? Quelles promesses donnera-t-il à ces millions de Congolais que son régime a affamé, clochardisé, réduit en état de loque humaine et tué à petit feu à cause de l’insécurité, du chômage et de la misère ?
La machine à voter réussira-t-elle à elle seule à transformer le suffrage des urnes en une victoire du clan Kabila via son dauphin Emmanuel Shadari?
Verdict, le 23 décembre 2018.
Bruxelles le 08.08.2018
Cheik FITA